Ça y est ! Fin avril 2017, la chaîne de vêtements fribourgeoise Yendi a mis les clés sous la porte pour cause de faillite. Cependant, ce n'est ni la première (et très certainement ni la dernière) marque suisse à disparaître du marché de la mode. Bien d'autres avant elle s'y sont retirées et d'autres à venir risquent de faire de même. Comment ces sociétés suisses en arrivent donc à de telles conclusions et qu'en est-il de celles encore présentes ? Enquête sur ces enseignes helvètes qui capitulent face à la montée en puissance de bon nombre de magasins de grande distribution, mais surtout de celles en ligne.
Etat des lieux
Yendi a eut 40 ans l'an dernier, mais ne renouvellera pas d'année en plus. La marque connue pour son style girly et ses prix abordables était dans une impasse telle qu'elle a décidé de déposer bilan pour cause de faillite.
Une entreprise pour qui tout se passait pourtant si bien depuis tant d'années. Ayant débuté sur les terres suisses alémaniques, au fil des années, fière d'un essor sans précédents, Yendi s'étend en Romandie et Suisse Italienne jusqu'à s'expatriée dans des régions françaises telles que Paris ou l'Alsace. En 2005, la marque compte alors 51 boutiques et dans les 10 années suivant, on n'en compte pas moins d'une centaine, rien qu'en Suisse.
Cependant, les années passant, la marque fribourgeoise peine à rembourser ses crédits auprès des banques ; on parle alors de « manque de liquidités » menant à un cumul de poursuites plus que considérable. Les réapprovisionnements se font ainsi de plus en plus sporadiques, tout comme les ventes ─ tant suisses qu'étrangères ─ en constante diminution. Financièrement en grande difficulté et ne trouvant pas de repreneurs, la société décide de tout plaquer et d'ainsi disparaître du paysage textile.
Et ce n'est pas un cas isolé
Le cas de Yendi est un problème que le marché suisse de la mode commence à bien trop connaître depuis quelques années. En 2016, Bata (©Midi Valley Megamail), la société tchèquo-vaudoise de vente de chaussures, ferme près de la moitié de ses boutiques suisses dont l'intégralité de ses succursales genevoises privilégiant alors une présence plus axée dans le service en ligne. Une disparition de la marque sur le sol français reste elle aussi, fortement envisagée.
Dans la même année, deux autres marques helvètes rendent les armes; d'abord Vögele (©Mswiarly Centre), enseigne zurichoise numéro 1 en Suisse durant plus de 60 ans, qui annonce son retrait de l'univers de la mode en se faisant racheter par son concurrent italien OVS. Puis Switcher (©Keystone), qui suite à d'innombrables déficits financiers et surendettements décide également d'abdiquer.
Avant eux, fautes de vente et manquements de recettes, les Maisons Schild et Herren Globus (©Giovanni Russo AG) connaissent le même sort en 2013. Leur maison-mère, Migros, décide de les rattacher à sa plus importante chaîne de commerce de détails, l'entreprise zurichoise Globus. Intégralement associées, ces dernières auront vu en réalité, leurs articles disparaître drastiquement au fil des mois. Schild qui d'ailleurs avait elle-même reprit la marque Spengler (©Bad_bower/FLICKR) en 2004 qui disparaîtra également pour les mêmes raisons 9 ans plus tard.
Aujourd'hui, c'est la société vaudoise de prêt-à-porter féminine Histoire de Plaire qui peine à remonter la pente, mais qui n'a néanmoins, pas encore déclaré forfait.
(Schild (c)Centre commercial de Balexert)
Les raisons
Mais alors pourquoi un tel cataclysme textile dans le marché suisse ? Est-ce la faute des entrepreneurs qui ne sont plus assez « en vogue » ou l'issue du problème se révèle-t-elle plus complexe que cela ?
Parlons peut-être économie... Ce n'est un secret pour personne : « La Suisse, c'est cher! »
Sacrée deuxième pays le plus cher du Monde en 2017 par MediaHub, les prix de ses confections se doivent de l'être aussi. Or, l'historique franc fort n'a jamais été aussi déprécié face à l'euro et au dollar que ces dernières années, particulièrement en 2016. Et dans un tel contexte, c'est le marché abordable et moyen gamme qui en paient les conséquences. L'affaiblissement du franc fort conduit inévitablement beaucoup d'entre elles à alors réduire leurs prix, au risque d'engendrer au niveau financier, moins d'entrées que de sorties. D'autres au contraire, contrent le problème en augmentant les prix, au nom du « Swiss Made », ce qui n'a que pour conséquence, d'encore plus éloigner leur clientèle.
Mais le tourisme dit « d'achat » n'y est pas pour rien non plus. Induit de part et d'autres par le taux de change, la clientèle helvète privilégie outre-mesure, le shopping à l'étranger et s'y habitue. En effet, selon le 20 Minutes, en 2016, dix milliards de francs suisses sont partis dans les poches des détaillants étrangers, au péril du commerce de prêt-à-porter suisse constituant le secteur national où le chiffre d'affaire est le plus en baisse (─8,2% d'après LeTemps). Avec cela, s'ajoute la saturation du marché de la mode qui rend la confection suisse encore moins visible.
Mais ces problèmes ne sont rien quant à l'indéniable part de responsabilité que tient Internet ou plus précisément l'e-commerce, dans le monde de la mode, au-delà même des frontières suisses. En effet, personne n'y échappe ! Et l'entreprise web mettant le plus à mal le marché stationnaire suisse est sans équivoque, la société Zalando. À elle seule, elle constitue plus de 20% du marché de la confection et ne compte pas s'arrêter en si bon chemin.
L'ère du numérique allant donc en grandissant, la tendance ne risque pas de s'inverser et tend même à l'apparition de nouveautés telle que la customisation (plus connue sous le nom du « DIY », comprenez « Do It Yourself ») permettant à chacun d'acquérir les bases du stylisme et de l'astuce vestimentaire ─ désavantageant ainsi toujours un peu plus, le marché étale suisse et étranger.
Penser positif
La création Swiss Made n'est pas non plus totalement rasée de la carte du prêt-à-porter mondial. En effet, bien que beaucoup aient lâché le navire, certaines se portent encore très bien, telles que les sociétés zurichoises PKZ, Modissa ou Chicorée qui malgré la concurrence, voient leur chiffre d'affaire stabilisés. Les enseignes de prêt-à-porter féminins Zebra ou Tally Weijl ne semblent pas non plus plus ébranlées que cela face à la situation. L'une (Tally) à d'ailleurs même racheté l'entreprise de son homologue française Mim en mars dernier. Quant à Bongénie Grieder et Bally, elles continuent elles aussi leur chemin, sans trop de soucis.
Cela dit, pour combien de temps ?
Commentaires